Pierre Laporte (FASE), Stéphanie
Treillet (Convergences et alternative), Alain Faradji (Gauche unitaire),
Ingrid Hayes (Gauche anticapitaliste),
4 décembre 2012
La politique que le gouvernement Ayrault a engagée est bien éloignée des promesses du « changement maintenant ». Ce furent très vite les interventions sécuritaires du ministre de l’intérieur, Manuel Valls, non dénuées de connotations racistes dès lors qu’en étaient victimes les Roms, la volonté d’engager la construction de l’aéroport de Notre-Dame-Des-Landes, la tentation du renoncement à engager la bataille pour concrétiser la promesse du droit de vote aux immigré-e-s dans les élections locales... Ce sont à autant de terrains de lutte, de questions qui pour nous restent d’une totale actualité et que nous voulons faire aboutir.
A
cela se sont ajoutées deux décisions qui affirment
une cohérence politique forte, et selon nous contraire aux aspirations
populaires, donc à ce que devrait être une politique de gauche.
La
première est l’acceptation du traité européen. L’explication que l’adjonction
au texte concocté entre Merkel et Sarkozy de mesures de relance aurait valeur
de renégociation de ce traité, le rendant acceptable, ne saurait tromper
personne. Tout ce qui a été dit hier reste valide aujourd’hui : c’est un
carcan d’austérité et d’autoritarisme dans lequel ce traité prétend enfermer
les peuples de l’Union. Ce pourquoi il doit être combattu, pour rejeter ses
conséquences immédiates telles qu’elles s’inscrivent dans les budgets sous
forme de restrictions financières draconiennes.
La
seconde est l’imposition du Pacte dit de compétitivité, dont François Hollande
récuse l’idée qu’il marquerait un
tournant de sa politique. Qu’est-ce à dire ? S’agit-il de dénoncer
comme illusions les espoirs de ceux qui ont compris le « changement
maintenant » comme la promesse d’une rupture avec la politique
ultralibérale menée avec la brutalité qu’on sait par Sarkozy et la
droite ? De convaincre que le gouvernement ne cède pas sous la pression d’un
patronat mobilisé, mais obéit à ses propres choix ? Ces interrogations ne
renvoient pas à l’essentiel, qui est de porter un jugement sur ce qu’est sa politique. Celle-ci, sauf bouleversement créé par
une mobilisation populaire d’ampleur, va
s’opposer aux aspirations qui ont permis
la défaite de Nicolas Sarkozy.
On
voit que la logique de la prétendue « compétitivité » s’est d’ores et
déjà traduite dans le projet de loi de
programmation pluriannuel 2013-2017, qui se fixe pour objectif une réduction brutale des déficits publics au
détriment des besoins sociaux. Le projet de budget pour 2013 s’inscrit dans
cette logique inacceptable. La charge de la dette, avec 48,8 milliards d’euros,
est le plus gros poste de dépenses, devançant celui de l’Éducation nationale.
Sans même qu’il soit vérifié au préalable à qui et en fonction de quelles
justifications de telles sommes devraient être versées ! Symétriquement, il
opère dès maintenant une réduction de 12 milliards des dépenses publiques,
laquelle va avoir des effets négatifs sur la vie des populations, notamment en
termes de services publics et de protection sociale. C’est pourquoi nous sommes
contre ce budget austéritaire.
Il
convient de revenir sur l’opération menée autour dudit rapport Gallois, qui a conduit
à imposer, selon des modalités relevant davantage du plan de communication que
du débat démocratique, le prétendu Pacte de compétitivité. A partir du constat
que de manière significative les entreprises françaises perdent des parts de
marché à l’exportation, le gouvernement décide d’offrir au patronat, sans
condition de contreparties en termes d’investissement et de création d’emplois,
20 milliards d’euros sous forme de crédits d’impôt (qui viennent s’ajouter aux
175 milliards de dégrèvements fiscaux déjà existants), qui seront financés par
une hausse de la TVA (dont tout le monde sait qu’elle est l’impôt le plus
injuste socialement) et par de nouvelles amputations budgétaires (qui au total
s’élèveront à 60 milliards d’euros sur 5 ans), lesquelles vont aggraver encore
la situation des collectivités locales, des services publics, et en dernier
ressort la condition des classes populaires.
Ainsi
le gouvernement fait sien le discours ultralibéral seriné par les organismes
patronaux, selon lequel la clé de tous les problèmes serait la perte de
compétitivité de l’économie française (voire de la France !) et que celle-ci
résulterait principalement sinon uniquement du « coût du travail », c’est-à-dire
de salaires trop élevés. Alors même que tout démontre que le principal problème
se situe dans la faiblesse des investissements et de la recherche. Quant au
« modèle allemand » tant vanté,
il est très largement basé sur la baisse du salaire réel, l’exclusion d’un
grand nombre de femmes du marché du travail, et l’installation en dix ans de 7
millions de travailleurs pauvres à 400 euros par mois ! En outre agiter de
manière obsessionnelle le thème de la « compétitivité » crée un
climat de guerre économique qui est source de tensions dans le monde.
La
voie ainsi empruntée, qui est de s’attaquer aux salarié-e-s plutôt qu’aux
profits,est catastrophique. C’est nier que les faiblesses de l’économie
française sont à chercher non pas du côté des salaires trop élevés, mais dans
les excès de dividendes servis aux actionnaires, d’un investissement
insuffisant dans l’industrie et la formation, d’un soutien trop timoré des
banques aux entreprises moyennes et petites... N’est-ce pas frapper ceux qu’il
convient de défendre, les salarié-e-s, la jeunesse, les classes populaires, et
appuyer les intérêts de ceux qu’il faudrait combattre, un patronat toujours
plus soucieux d’accroître ses profits que de soutenir une politique visant à
sortir l’économie du marasme dans lequel elle s’enfonce ?
Augmenter
les salaires, contrôler et utiliser autrement
les richesses, créer les activités socialement et écologiquement utiles,
développer l’emploi et la formation, engager une nouvelle étape de réduction du
temps de travail, mettre fin aux contrats précaires et à la pénibilité du
travail, obtenir un moratoire de la dette et une annulation des dettes
illégitimes, engager la transition écologique, moderniser et développer les
services publics... Telle est politique aujourd’hui nécessaire pour écarter la
récession et améliorer l’état de la société. Cela est vrai en France, et aussi
à l’échelle de l’Union européenne.
A
faire le contraire on nourrit les logiques de récession économique, de
destruction de l’environnement, de régression sociale et démocratique. Les
situations créées dans plusieurs pays d’Europe du sud en sont la démonstration.
On sait les risques politiques en résultant : montée des tensions
nationalistes et xénophobes, menaces sur la démocratie...
Ce
sont donc des défis majeurs auxquels le peuple de gauche doit aujourd’hui faire
face. Combattre la logique que cristallisent le Traité européen et le Pacte de
compétitivité appelle une politique de réel changement économique, social,
écologique et démocratique. Telle est la tâche à laquelle doit se hisser le
Front de gauche. Il faut s’opposer à cette politique par de puissantes
mobilisations sociales. Les désaccords manifestes au sein de la
majorité gouvernementale, du côté d’Europe Écologie-Les Verts et dans les rangs
du Parti socialiste, témoignent que la question posée est bien celle d’une autre
politique que celle engagée actuellement par le gouvernement de Jean-Marc
Ayrault ! Celle d’une nouvelle majorité de gauche se formant pour porter
une telle politique, d’abord dans les mobilisations sociales, et à tous les
niveaux au sein des instances élues. En indiquant la perspective d’un
gouvernement apte à la mettre en œuvre au niveau national, et à la porter au
plan européen.
C’est
ce pourquoi le Front de Gauche doit œuvrer dans les prochains mois. En menant
campagne en 2013 pour une alternative à l’austérité, en proposant des mesures
concrètes afin d’améliorer le sort du plus grand nombre et de sortir de la
crise. En prenant toutes les initiatives de mobilisation et de rassemblement
permettant de montrer qu’une alternative existe à gauche, que l’austérité n’est
pas une fatalité. Et en poursuivant son processus d’élargissement à tous ceux
et toutes celles qui souhaitent en partager la démarche.
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