mercredi 7 mars 2012

Pourquoi il ne faut pas suivre le modèle allemand...

[Un court argumentaire fort utile qui circule en ce moment dans les réseaux militants et syndicaux, à faire connaitre largement.]

Manifestation de soutien au peuple grec (Paris, 18/01/2012). Source: http://photos.placeaupeuple2012.fr/2012/02/19/851/

Pas de salaire minimumun rapport de l’Institut du travail de l’université de Duisbourg-Essen a établi que plus de 6,55 millions de personnes en Allemagne touchent moins de 10 euros brut de l’heure – soit 2,26 millions de plus en 10 ans. Par ailleurs, 2 millions d’employés gagnent moins de 6 euros de l’heure Outre-Rhin et, en ex-RDA, ils sont nombreux à vivre avec moins de 4 euros par heure, c’est-à-dire moins de 720 euros par mois pour un temps complet.
Pauvreté : 6,5 millions de travailleurs, c’est à dire 22% des actifs, vivent sous le seuil de pauvreté. Les 10% des travailleurs les plus pauvres ne gagnent que 259 euros par mois. Les 10% d’au dessus gagnent seulement 614 euros par mois. Il y a 12 millions de pauvres (= moins de 940 euros par mois pour 1 personne seule) sur 82 millions d’habitants), soit 15% de la population (c’est plus qu’en France). Entre 1992 et 2006, le revenu des 10% les plus pauvres a baissé de 13%, tandis que celui des plus riches s’est accru d’un tiers. 42% des familles monoparentales vivent de l’allocation Hartz IV (équivalent de notre RMI). 70% des chômeurs allemands vivent sous le seuil de pauvreté. Il y a 7 millions de Hartz IV en Allemagne. Les 660 euros que touchent en moyenne les allocataires d’Hartz IV sont inférieurs au seuil de pauvreté. Ces allocataires ne comptent pas dans les chiffres du chômage. En février 2010, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe a finalement déclaré la Loi Hartz IV constitutionnelle, mais demandé au législateur de revaloriser l’allocation de base. La Cour a notamment jugé que le mode de calcul retenu violait le droit au “minimum vital digne” garanti par la constitution. De 359 euros par personne, l’allocation minimum a depuis été revalorisée à 374 euros…
Baisse du pouvoir d’achat : 80% des actifs ont perdu du pouvoir d’achat entre 2000 et 2010. La baisse du pouvoir d’achat est en moyenne entre 2000 et 2012 de 2,5% pour l’ensemble des salariés, pour les 5 catégories les plus précaires de 5 à 22% .

Précarité de l’emploi, explosion du temps partiel et de l’intérim : la réforme Hartz IV a conduit à une telle multiplication des petits boulots – à 5 ou 8 heures par semaine – que la durée moyenne du travail est tombée à 30,3 heures. Création des contrats “Minijobs” (contrat de travail précaire, de courte durée et moins taxé) et des contrats “Midijobs” (salaire compris entre 400 et 800 euros par mois). Jusqu’à 400 euros, le patron est exonéré de charges. Le salarié aussi, mais du coup il ne cotise pas pour la retraite et l’assurance-maladie. En cas de perte de ce boulot, il n’a pas de droit à l’allocation chômage. Il y a 6,5 millions de « mini-jobers » avec des emplois à 400 euros pour 60h par mois ; 7, 84 millions d’emplois à temps partiels. Sur les 322000 emplois crées en 2010, 57% sont des temps partiels. .En dix ans, l’Allemagne a créé deux millions d’emplois à temps partiels, de courte durée : 18,3 heures en moyenne. Il y a 1 million d’intérimaires ; pour exemple, l’usine BMW de Spandau n’a pas embauché de CDI depuis 2001, et 26%de ses salariés sont intérimaires.
Baisse des salaires : Le salaire moyen a baissé de 4,2% en dix ans
Baisse de l’espérance de vie : l’espérance de vie des personnes aux plus faibles revenus – ceux qui touchent moins des trois quarts du revenu moyen – est passée de 77,5 ans à 75,5 ans en seulement 9 ans (2001 à 2010); en ex-RDA, la chute de l’espérance de vie des petits revenus est encore plus marquée : elle est passée de 77,9 ans à 74,1 ans sur la même période.
Précarité des séniors : seulement 26,4% des personnes âgées de 60 à 64 ans occupaient en mars 2011 un emploi soumis à cotisations sociales. Moins de 19% occupaient un emploi à temps plein. Rappelons que ces mêmes séniors ont vu l’âge de départ en retraite reculer… sans pour autant trouver du travail. Le développement de l’épargne-retraite privée est par ailleurs encouragé avec la mise en place d’un système complémentaire de pensions privées par capitalisation avec incitations fiscales. Selon le ministère des affaires sociales, plus de 660 000 séniors de 65 à 74 ans ont un emploi à temps partiel pour compléter leur pension. Lire à ce sujet cet article. Récemment le quotidien Die Welt a rapporté que les chiffres du chômage des seniors sont truqués. Un chômeur de plus de 58 ans sur deux n’est plus répertorié dans les chiffres de la Bundesagentur für Arbeit (l’agence pour l’emploi). Le ministère du Travail a d’ailleurs dû reconnaître que début 2011, seulement 43% des seniors bénéficiaires du chômage étaient enregistrés sur les listes.
Le chômage et le Hartz IV : Seule la 1ère année de chômage est indemnisée. La 1ère année de chômage est indexée sur le dernier salaire ; ne peut toucher cette allocation que celui qui dispose de moins de 9750 euros d’économies, sinon il faut vivre sur ses avoirs. Les chômeurs de moins de 25 ans qui vivent chez leurs parents voient leur indemnité baisser de 20%. Au-delà d’une année, les chômeurs ont droit à une allocation de 370 euros, somme modulée en fonction des revenus du couple, de son patrimoine et du nombre d’enfants – une partie du loyer et du chauffage est remboursée par l’agence pour l’emploi – à condition d’accepter les emplois qui leur sont proposés. L’allocation est réduite de 60% en cas de deux refus la même année. Elle est supprimée au troisième refus. Y compris si l’emploi est en dessous de la qualification. La prostitution étant légale en Allemagne, une chômeuse a été radiée pour avoir refusé d’être secrétaire dans un bordel… no comment… (il me semble que ça a été invalidé par la Cour constitutionnelle).
Les « Jobs à 1 euro de l’heure », censés permettre aux chômeurs de garder une vie sociale et le contact avec le monde du travail, ne peuvent être refusés par les chômeurs (qui du coup sortent des statistiques du chômage). Par exemple, une douzaine de scientifiques sans emploi ont été obligés par la « Bundesagentur für Arbeit » (agence pour l’emploi) de travailler pour l’université de Hambourg. (A lire ici) 
Un service de l’emploi scandaleusement intrusif : des agents s’invitent au domicile des chômeurs, épluchent les relevés de compte, ouvrent les frigos pour voir si il y a des dépenses inconsidérées, vérifient que vous êtes bien en colocation et non en couple…
Des écoles qui préparent les enfants à une vie de Hartz IV : dans leur livre « Deutschland dritter Klasse », Julia Friedrichs, Eva Müller et Boris Baumholt font un état des lieux hallucinant, au travers de témoignages. L’un d’eux est frappant : dans une école spécialisée pour enfants en difficultés à Bochum, les enfants et ados apprennent comment composer un petit déjeuner pas cher en utilisant les promotions, à meubler un appartement de 40m2, à étudier les tracts de chez Aldi…. Un reportage vidéo à pleurer a aussi été réalisé dans cette école.
-   Cerise sur le gâteau, l’Organisation internationale du travail affirme dans un rapport récemment publié que la politique allemande de compétitivité est « la cause structurelle » de la crise en zone euro !
Vous en avez cauchemardé, Schröder et Merkel l’ont fait ! Alors, dites le partout autour de vous, à vos amis, à vos collègues, à ceux qui pensent voter pour Sarkozy ou Bayrou (grands défenseurs de ce modèle) : il faut refuser de suivre cette voie !

Sources : Spiegel, Organisation internationale du travail, OCDE, Deutsches Institut für Wirtschaftsforschung, Ministère du travail allemand, Rue 89, Marianne, connexion-emploi.com, myeurop.info, CIDAL

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