samedi 26 novembre 2011

Un directoire Sarkozy-Merkel... ou une Europe solidaire

Jean Claude Mamet, bulletin Convergences et alternative, n° 9, 22 novembre 2011, p. 1-2.  

Et de deux ! En quelques jours, deux gouvernements tombent en Europe, fauchés par la pression des marchés et des agences de notation. Personne ne se plaindra du sort de Berlusconi. Le peuple grec ne pleurera pas non plus le « socialiste » Papandréou. Il a cru jouer un coup d’autorité politique par un référendum (sans doute pour calmer la mobilisation populaire croissante), avant de se coucher devant le duo Merkel-Sarkozy. Le Merkozy, nouveau condominium germano-français à la tête d’une Europe qui craque de partout, est allé jusqu’à lui dicter les termes de sa consultation, pourtant parfaitement légitime, au point de la transformer en reddition : il valait mieux quitter la scène. Le rouleau compresseur libéral-financier ne fait donc pas dans la dentelle : il descend aussi bien un chef de gouvernement d’ultra-droite qu’un soi-disant socialiste. Inversement, la droite pourrait reprendre le pouvoir dans l’Etat espagnol, comme elle l’a déjà fait au Portugal, contre une gauche veule et disciplinée. Quant à la Grèce, les socialistes du PASOK sont maintenant pieds et poings liés dans une alliance droite, gauche, extrême-droite, dirigée par un ex-gérant de la BCE. Autant dire le suicide politique.
Pendant ce temps, l’indignation populaire monte partout. Mais son devenir n’est pas écrit. D’un côté et c’est le bon côté elle est porteuse d’invention politique dans les nouveaux mouvements massifs d’occupation des rues (« indignés »), qui a atteint Wall Street après la Puerta del Sol de Madrid, et qui bouscule toutes les routines traditionnelles de l’action sociale, plaçant la solidarité et la démocratie au cœur du projet pour « faire société ». D’un autre côté très inquiétant la course de vitesse est engagée entre la prise de distance massive des peuples vis-à-vis des « politiques » (plus de 60% des Français-e-s ne font plus confiance en personne, selon le Centre d’étude de la vie politique française), et le choix entre l’offensive autoritaire libérale-technocratique (le Merkozy), parée d’un vague idéal fédéraliste européen, et l’attrait alarmant des nouveaux réactionnaires, épousant la souveraineté populaire dans un sens national-social, non solidaire,  racialisé. 

En Europe, ces dangers sont menaçants à court terme. Car l’Europe issue des traités libéraux, de Maastricht à Lisbonne, exaltant les disciplines budgétaires mais sans budget commun, les critères de convergence et les pactes de stabilité, championne de la « concurrence libre et non faussée » régulée par le seul droit des affaires, avec une monnaie sans gouvernement politique, gérée par des institutions  autoproclamées (à part un Parlement totalement muet depuis un an de crise), cette Europe se disloque. Mais que va-t-il en sortir ? Un sursaut autoritaire, baptisé fédéralisme, des Etats les plus forts de la zone euro (Allemagne-France), faisant de l’obéissance à la finance son seul projet politique, et obligeant la gauche sociale-libérale à franchir partout le Rubicon d’alliances structurelles avec les droites ? Ou un repli nationaliste ou souverainiste, sans euro mais monstrueux ?
En tout cas, le projet d’Europe qu’« ils » avaient voulu constitutionnaliser en 2005, est clairement non viable face à la déflagration économique mondiale. Ce qui se révèle, c’est la folie libérale : on ne peut pas faire société sur le seul marché, sans Etat, sans médiation politique ! Pas même pour la stabilité des intérêts capitalistes. Et encore moins bien sûr, pour le bien commun, les droits humains et sociaux, les services publics : il faut un projet politique qui fasse sens ! Il faut une coopération politique inter-européenne, altermondialiste, fondée sur l’expansion des droits sociaux, la démocratie en bas assemblées de citoyen-ne-s mobilisé-e-s et en haut coopération transnationale et confédérale, refondation de l’Europe contre des institutions non élues, Assemblée constituante européenne. Il faut la mise en commun des ressources et des richesses. Sans cela, la politique se vengera, mais deviendra barbare et inhumaine.
Nous sommes donc devant des choix draconiens. La gravité de la crise peut provoquer des accélérations foudroyantes, révélatrices des projets fondamentaux. La gauche sociale-démocrate, comme Hollande en France, devra choisir comme Papandréou l’a fait (et a perdu) : plier sous le diktat des agences capitalistes, se couler dans le pacte gauche-droite, et alors laisser aux Sarkozy et Merkel les commandes essentielles, ne serait-ce que parce que les citoyen-ne-s prennent conscience de la nécessaire dimension internationale des choix. Ainsi s’explique la remontée (encore modeste) de Sarkozy dans les sondages. Ou alors résister aux diktats. Ouvrons le débat, mais les premières réactions de Hollande aux injonctions du G20 de Nice sont d’une pâleur alarmante.
Le Front de gauche est placé devant l’urgence d’une coopération politique avec ses homologues européens, qui acquiert une force à la dimension des enjeux. Ce qui suppose une visibilité dans la vie publique. Au couple germano-français du Merkozy, il faut opposer une réplique Front de gauche-Die Linke; et avec toutes les forces de la gauche de transformation en Europe faire front avec la gauche grecque. 

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A lire, la déclaration de la Présidence du Parti de la gauche européenne (PGE): « Peuples d'Europe, unissons-nous! », en date du 22 novembre 2011. 
Pour plus d’informations, le site du PGE: http://fr.european-left.org/english/home/home/

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