Jean Claude Mamet, bulletin Convergences et alternative, n° 9, 22 novembre 2011, p. 1-2.
Et de
deux ! En quelques jours, deux gouvernements tombent en Europe, fauchés
par la pression des marchés et des agences de notation. Personne ne se plaindra
du sort de Berlusconi. Le peuple grec ne pleurera pas non plus le
« socialiste » Papandréou. Il a cru jouer un coup d’autorité
politique par un référendum (sans doute pour calmer la mobilisation populaire
croissante), avant de se coucher devant le duo Merkel-Sarkozy. Le Merkozy,
nouveau condominium germano-français à la tête d’une Europe qui craque de
partout, est allé jusqu’à lui dicter les termes de sa consultation, pourtant
parfaitement légitime, au point de la transformer en reddition : il
valait mieux quitter la scène. Le rouleau
compresseur libéral-financier ne fait donc pas dans la dentelle : il
descend aussi bien un chef de gouvernement d’ultra-droite qu’un soi-disant
socialiste. Inversement, la droite pourrait reprendre le pouvoir dans l’Etat
espagnol, comme elle l’a déjà fait au Portugal, contre une gauche veule et
disciplinée. Quant à la Grèce, les socialistes du PASOK sont maintenant pieds
et poings liés dans une alliance droite, gauche, extrême-droite, dirigée par un
ex-gérant de la BCE. Autant dire le suicide politique.
Pendant ce
temps, l’indignation populaire monte partout. Mais son devenir n’est pas écrit.
D’un côté – et c’est le bon côté – elle est porteuse d’invention politique dans
les nouveaux mouvements massifs d’occupation des rues (« indignés »),
qui a atteint Wall Street après la Puerta del Sol de Madrid, et qui bouscule
toutes les routines traditionnelles de l’action sociale, plaçant la solidarité
et la démocratie au cœur du projet pour « faire société ». D’un autre
côté – très inquiétant – la course de vitesse est engagée entre la prise de
distance massive des peuples vis-à-vis des « politiques » (plus de
60% des Français-e-s ne font plus confiance en personne, selon le Centre d’étude de
la vie politique française), et le choix entre l’offensive autoritaire libérale-technocratique
(le Merkozy), parée d’un vague idéal fédéraliste européen, et l’attrait
alarmant des nouveaux réactionnaires, épousant la souveraineté populaire dans
un sens national-social, non solidaire,
racialisé.
En Europe,
ces dangers sont menaçants à court terme. Car l’Europe issue des traités
libéraux, de Maastricht à Lisbonne, exaltant les disciplines budgétaires mais
sans budget commun, les critères de convergence et les pactes de stabilité,
championne de la « concurrence libre et non faussée » régulée par le seul
droit des affaires, avec une monnaie
sans gouvernement politique, gérée par des institutions autoproclamées (à part un Parlement totalement muet depuis
un an de crise), cette Europe se disloque. Mais que va-t-il en sortir ? Un
sursaut autoritaire, baptisé fédéralisme, des Etats les plus forts de la zone
euro (Allemagne-France), faisant de l’obéissance à la finance son seul projet
politique, et obligeant la gauche sociale-libérale à franchir partout le
Rubicon d’alliances structurelles avec les droites ? Ou un repli nationaliste
ou souverainiste, sans euro mais monstrueux ?
En tout
cas, le projet d’Europe qu’« ils » avaient voulu constitutionnaliser en 2005, est
clairement non viable face à la déflagration économique mondiale. Ce qui se
révèle, c’est la folie libérale : on ne peut pas faire société sur le seul
marché, sans Etat, sans médiation politique ! Pas même pour la stabilité
des intérêts capitalistes. Et encore moins bien sûr, pour le bien commun, les
droits humains et sociaux, les services publics : il faut un projet
politique qui fasse sens ! Il faut une coopération politique
inter-européenne, altermondialiste, fondée sur l’expansion des droits sociaux,
la démocratie en bas – assemblées de citoyen-ne-s mobilisé-e-s – et en haut coopération
transnationale et confédérale, refondation de l’Europe contre des institutions
non élues, Assemblée constituante européenne. Il faut la mise en commun des
ressources et des richesses. Sans cela, la politique se vengera, mais deviendra
barbare et inhumaine.
Nous sommes
donc devant des choix draconiens. La gravité de la crise peut provoquer des
accélérations foudroyantes, révélatrices des projets fondamentaux. La gauche
sociale-démocrate, comme Hollande en France, devra choisir comme Papandréou l’a
fait (et a perdu) : plier sous le diktat des agences capitalistes, se
couler dans le pacte gauche-droite, et alors laisser aux Sarkozy et Merkel les
commandes essentielles, ne serait-ce que parce que les citoyen-ne-s prennent
conscience de la nécessaire dimension internationale des choix. Ainsi
s’explique la remontée (encore modeste) de Sarkozy dans les sondages. Ou alors résister aux diktats. Ouvrons le
débat, mais les premières réactions de Hollande aux injonctions du G20 de Nice
sont d’une pâleur alarmante.
Le Front de
gauche est placé devant l’urgence d’une coopération politique avec ses
homologues européens, qui acquiert une force à la dimension des enjeux. Ce qui
suppose une visibilité dans la vie publique. Au couple germano-français du
Merkozy, il faut opposer une réplique Front de gauche-Die Linke; et avec toutes
les forces de la gauche de transformation en Europe faire front avec la gauche grecque.
***
A lire, la déclaration de la Présidence du Parti de la gauche européenne (PGE): « Peuples d'Europe, unissons-nous! », en date du 22 novembre 2011.
Pour plus d’informations, le site du PGE: http://fr.european-left.org/english/home/home/
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