Danièle Obono (Convergences et alternative Paris), Hendrik Davi
(Convergences et alternative Marseille), membres du Front de gauche, 18
novembre 2011
"Le programme partagé à Brives" (11/10/11). Source: L'oeil de la campagne. |
Face à la crise du capitalisme, l’enjeu
et l’urgence, aujourd’hui à gauche, sont non seulement de résister aux attaques
néolibérales, mais aussi de montrer que des perspectives alternatives en
rupture avec cette logique, existent. Il nous faut développer une stratégie
claire et offensive vis-à-vis du Parti socialiste, qui demeure, malgré tout, la
force politique vers laquelle se tourne encore une majorité du peuple de
gauche.
Unité dans la lutte
La crise de la dette, comme la
crise financière de 2008 à qui elle fait logiquement suite, ne sont pas
seulement l’expression d’une mauvaise gouvernance d’un capitalisme qui aurait
donné trop de pouvoirs au système financier. Elles découlent directement des
contradictions internes du capitalisme. La crise va donc se poursuivre et
s’aggraver d’autant plus que personne, parmi les puissant-e-s, ne semble
disposer pour le moment d’un réel « plan B », d’une alternative « crédible
» (c’est-à-dire compatible avec le système capitaliste) au néolibéralisme. Pour
tenter d’éviter un krach total et des pertes astronomiques pour les plus riches
les classes dominantes n’ont rien trouvé d’autre que de faire payer les classes
moyennes et populaires. La dette est ainsi utilisée comme un moyen de chantage
très puissant pour faire accepter l’inacceptable aux peuples.
En France, après déjà plusieurs années
de politiques anti-sociales et antidémocratiques, le gouvernement
Sarkozy-Fillon vient d’annoncer une nouvelle série de mesures d’austérité en se
servant de ce prétexte pour empêcher toute velléités de résistance. La première
urgence est donc d’organiser la lutte, le plus unitairement et le plus largement
possible, contre les politiques d’austérité. Notre principal adversaire aujourd’hui
c’est Sarkozy et son gouvernement, et partout où nous pourrons résister,
défendre et riposter face à leurs attaques, nous devons le faire sans hésiter,
avec toutes les forces à gauche, notamment le Parti socialiste.
La bataille politique et idéologique
Mais construire des « fronts
uniques » dans la lutte ne suffira pas. La bataille doit aussi se mener sur le
terrain politique (notamment électoral) et idéologique. Dans les démocraties
occidentales contemporaines, même si « le » politique et une partie des
institutions démocratiques sont discrédités, les idées que les citoyen-ne-s
développent et les actions qui en découlent dépendent de ce qui se dit et se
fait dans ces différentes sphères. En France, l’élection présidentielle (avec
désormais dans son sillage les législatives), constitue l’un des rares moments
de forte mobilisation politique (en termes de débats et de participation aux
scrutins notamment) pour l’ensemble de la population. Or une majorité semble
aujourd’hui résignée à la nécessité d’une politique d’austérité pour réduire la
dette, en grande partie à cause de l’ « union sacrée » du PS et de l’UMP. A un
autre niveau, l’état d’esprit général n’est pas insensible au fait que le
racisme, l’islamophobie et la xénophobie, qui ont été pendant longtemps plus ou
moins bien cantonnés à l’extrême-droite et à la droite réactionnaire, sont non
seulement systématisés aux plus hauts sommets de l’Etat mais gagnent aussi
aujourd’hui de plus en plus de terrain à gauche.
C’est pourquoi, nous ne pouvons
faire l’impasse sur les échéances électorales de 2012. Il nous faut proposer
une vraie alternative de gauche, à la droite et au social-libéralisme. Pour
être crédible, cette démarche doit dépasser la posture purement protestataire.
Elle doit s’adresser à l’ensemble de la population et construire une visée
majoritaire. Enfin, si aucun changement institutionnel ne perdurera sans le
soutien et la mobilisation populaires, il n’y aura pas non plus de changements
radicaux portés par une majorité de citoyen-ne-s sans points d’appui forts au
sein même des institutions.
Battre la droite… mais
sur des bases claires
Nicolas Sarkozy est pour
l’instant très largement détesté par les classes populaires car il incarne une
politique arrogante en faveur des plus riches. Cette politique a produit en
réaction de nombreuses luttes sociales dont la plus massive a été celle des
retraites. Une défaite de Sarkozy sera vécue par une large partie de la
population comme une défaite des classes dominantes, tandis qu’une seconde
victoire de sa part aurait des dégâts sociaux, politiques et idéologiques
considérables. Notre campagne doit donc très clairement s’affirmer contre la
droite et son principal candidat.
Par contre, nous faisons une
claire distinction entre l’appel à battre Sarkozy et la confrontation
idéologique et programmatique à mener avec le PS, notamment sur la question du
gouvernement. François Hollande, le candidat du PS à la présidentielle, qui a
présidé pendant une décennie au « recentrage » social-libéral de son parti,
s’émancipe d’ores et déjà du pale programme adopté par le congrès du PS en
2011, et affirme vouloir mener une politique pour rassurer les marchés en
inscrivant sa campagne dans une logique de réduction des déficits. Il participe
ainsi de l’acceptation de la politique d’austérité.
Ce renoncement face aux marchés
comporte un double risque. D’abord celui de faire perdre la gauche, car les
classes populaires peuvent finalement se détourner d’un candidat qui propose un
programme économique pas si différent de celui de la droite. Mais même si la
gauche social-libérale gagne par défaut et mène la même politique que
Papandréou ou Zapatero, elle décevra et constituera le meilleur allié du retour
d’une droite dure (possiblement souverainiste et allié au FN).
A gauche, deux orientations
incompatibles
C’est pour ces raisons, que nous
ne pouvons attendre que les clarifications entre les deux orientations
contradictoires à gauche se fassent après 2012. Il faut les mettre en débat dès
aujourd’hui. La crise fait que les marges de manœuvre sont réduites : soit l’on
accepte le chantage des marchés (le camp du capital) et on fait payer la crise
aux classes populaires, soit on le refuse et les plus riches perdront de
l’argent (en bourse ou par la fiscalité).
Le débat que nous devons mener
avec le PS, mais aussi avec Europe Ecologie Les Verts (EELV) par ailleurs, doit
porter sur la dette, la réforme fiscale, la réduction du temps de travail, la
répartition des richesses (rapport capital-travail), la planification
écologique et la lutte pour l’égalité réelle et contre les discriminations. Ce
débat ne doit pas rester désincarné mais se traduire par une confrontation
programmatique, avec des propositions y compris en termes de gouvernement. Si
nous nous inscrivons dans une perspective de transformation sociale, nous
n’évacuons pas de notre combat la question du pouvoir, et notamment celle du
gouvernement. Mais, comme on le voit aujourd’hui en Espagne et en Grèce (où le
PASOK gouverne avec l’extrême droite !), ou aussi comme l’ont montré les
dernières expériences gouvernementales en France (et notamment celle de la «
Gauche plurielle »), les gouvernements sociaux-libéraux au pouvoir mènent peu
ou prou les mêmes politiques que la droite. Avec l’orientation de renoncement
qui est actuellement la sienne, dans le contexte d’une crise globale exacerbée,
le PS est clairement parti pour reproduire les mêmes erreurs.
C’est pourquoi, nous devons
confronter publiquement les deux orientations contradictoires existant à gauche
: gouvernement avec et pour les peuples ou gouverner avec et pour les marchés.
Nous devons clairement affirmer que nous, nous choisissons la première
proposition, et que nous disposons des moyens pour mettre en œuvre notre
programme, ici et maintenant. Aux électeur-trice-s ensuite de décider, lors du
premier tour de la présidentielle, auquel des deux projets elles et ils
adhèrent le plus. Et si, au second tour, aucune voix à gauche ne doit manquer
pour virer Sarkozy et sa politique, nous conditionnerons notre soutien à un
éventuel gouvernement PS en fonction de la politique qu’il mènera
effectivement. Nous combattrons tout pouvoir qui gouvernerait au service des
banques et de la finance ; nous soutiendrons tout gouvernement de gauche qui
agirait concrètement contre eux, en faveur d’une démocratie véritable.
Se construire en
toute indépendance
La meilleure façon de mener et de
gagner ce débat contradictoire au sein de la gauche est d’unifier le camp de
celles et ceux qui sont prêt-e-s et déterminé-e-s à affronter les marchés et à
proposer une autre politique. C’est ce qui justifie l’urgence d’une
construction la plus élargie possible du FdG. La force d’un pôle unifié de la
gauche radicale rendra d’autant plus difficile pour le PS (et EELV) le refus
d’une vraie confrontation sur les idées.
Si on prend au sérieux les
risques d’une victoire et d’une hégémonie renforcée du social-libéralisme au
sein de la gauche, il est indispensable de construire notre camp sur une claire
indépendance vis-à-vis de la direction social-libérale du PS. Cette
indépendance ne doit pas interdire des accords tactiques aux législatives ou
aux municipales sur la base de désistements réciproques ou de votes au cas par
cas. Mais nos candidat-e-s et nos élu-e-s doivent demeurer indépendant-e-s,
pour ne pas être amené-e-s à cautionner des politiques d’austérité, en faisant
dans les institutions le contraire de ce que nous défendons dans la rue, au nom
d’accords d’appareils ou d’une illusoire unité de la gauche contre la droite.
Cette indépendance est aussi
essentielle pour les luttes. La capacité de résistance et de mobilisation des
mouvements sociaux dépendra aussi de l’initiative des réseaux militants,
politiques et syndicaux, qui seront d’autant plus affaiblis si les militant-e-s
ont non seulement accepté le chantage de la dette et de l’austérité, mais
participent d’une manière ou d’une autre à la mise en œuvre de ces politiques.
un petit PPS sur la dette:
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