jeudi 10 février 2011

« Lettre à mes anciens camarades du NPA qui vont tenir congrès »


Raoul Marc Jennar (sans affiliation à un parti politique), blog Médiapart, 8 février 2011.


Après les élections européennes où le NPA a connu une cuisante défaite, l’unité de la gauche de gauche semblait à l’ordre du jour au sein du parti. A la veille des élections régionales, des initiatives heureuses avaient été prises.
Mais en fin de parcours, les vieux réflexes ont repris le dessus et le NPA est allé seul aux élections campé dans sa pureté doctrinale et stratégique. Certes, les partenaires possibles n’ont pas toujours facilité le rassemblement, loin de là. Mais qui a dit que l’unité serait un long fleuve tranquille ?
Et pourtant, le calcul de ce qu’aurait donné l’unité aux européennes aurait du faire réfléchir : les Le Pen père et fille n’auraient pas été élus, la gauche de gauche française aurait représenté à elle seule (sans compter ses partenaires dans d’autres pays) un poids significatif. Et pourtant, le Limousin a offert le superbe exemple, aux directions nationales du NPA comme du PCF, que loyauté et unité sont possibles entre partenaires de cultures politiques différentes. [...]
Je n’oublie pas que j’ai défendu à la veille des européennes la position du NPA et que je l’ai portée pendant la campagne. Ce fut pour moi l’occasion de vérifier notre erreur et donc la mienne. J’en ai tiré les conclusions qui s’imposaient.
Face aux souffrances de millions de Françaises et de Français, face à la destruction du contrat social, face au déclin dramatique de l’Etat de droit, face à la dégradation profonde de l’éthique politique, les prétextes des uns et des autres pour refuser l’unité de la gauche de gauche sont dérisoires. Ils sont sans commune mesure avec le démantèlement des acquis démocratiques et sociaux auquel nous assistons depuis le « tournant de la rigueur. »
Mon combat est aujourd’hui celui de l’unité. Il n’en est pas, à mes yeux, de plus important pour les anticapitalistes.
Je connais l’ objection majeure : le risque de gouverner avec le PS. Mais que devient ce risque dès lors qu’on modifie le rapport des forces et qu’on représente une force réelle avec laquelle on doit compter ? Que craint-on ?
L’incapacité à tenir tête au PS ? Comme on semble craindre aussi l’incapacité à défendre son point de vue dans un Front de Gauche élargi. Quand on reste entre soi, on ne risque rien. Et on a toujours raison. Mais on ne change rien au système en place. Et pas davantage à la formidable bataille idéologique engagée depuis trente ans.
Car ce ne sont pas les partis politiques qui ont ramené la contestation du capitalisme dans le débat politique, contrairement à ce qu’affirme Olivier. Ce sont les altermondialistes. Et les partis ne font que suivre un mouvement qu’ils ont été incapables de susciter. Pourquoi ?
Parce qu’ils sont montrés incapables d’offrir aux femmes et aux hommes qui ne vivent que de leur travail une nouvelle promesse pour un avenir différent. Parce que, en ce siècle de mutations considérables qu’ils n’ont pas captées, ils se sont avérés incapables d’offrir une alternative crédible au capitalisme exploiteur des humains et de la planète.
Aujourd’hui, le paysage politique nous donne à voir un puissant PS résolument rallié à la dictature des marchés, à la concurrence de tous contre tous, au primat du secteur privé. Un PS qui avec Delors, Straus-Kahn et Lamy a contribué à ériger en fatalité incontournable « un modèle de développement qui utilise les bas salaires comme seul avantage comparatif dans la compétition internationale » pour reprendre les termes de l’opposant tunisien Nejib Chebbi. Et, sur la gauche, du PS, un émiettement.
Même le Front de Gauche ne semble pas modifier le poids spécifique de cette gauche de gauche. Parce qu’il ne suffit pas à lui seul à porter une nouvelle espérance, à créer une dynamique. Cela ne peut venir que d’un Front de Gauche élargi au NPA, à la FASE, aux Alternatifs, aux Décroissants, à tout ce qui aspire dans ce pays à un changement véritable et non à un aménagement du système. Seul cet élargissement créera l’indispensable dynamique. Et il peut se faire sur la base d’un principe fédérateur : le choix prioritaire de l’intérêt collectif qui implique la remise en question radicale de la marchandisation de toutes les activités humaines.
Je viens de lire l’interview d’Olivier dans Libé. Une nouvelle fois, sans tirer les leçons de son échec aux européennes et aux régionales, sans tirer les leçons du succès de l’unité en Limousin, le NPA se prépare à apporter sa contribution à la division de la gauche de gauche. C’est profondément navrant.
Puisse le congrès du NPA changer le cap d’une direction enfermée dans son purisme idéologique et stratégique.