samedi 15 décembre 2012

L’urgence d’une autre politique à gauche

Pierre Laporte (FASE), Stéphanie Treillet (Convergences et alternative), Alain Faradji (Gauche unitaire), Ingrid Hayes (Gauche anticapitaliste), 4 décembre 2012



La politique que le gouvernement Ayrault a engagée est bien éloignée des promesses du « changement maintenant ». Ce furent très vite les interventions sécuritaires du ministre de l’intérieur, Manuel Valls, non dénuées de connotations racistes dès lors qu’en étaient victimes les Roms, la volonté d’engager la construction de l’aéroport de Notre-Dame-Des-Landes, la tentation du renoncement à engager la bataille pour concrétiser la promesse du droit de vote aux immigré-e-s dans les élections locales... Ce sont à autant de terrains de lutte, de questions qui pour nous restent d’une totale actualité et que nous voulons faire aboutir.

A cela se sont ajoutées deux décisions qui affirment une cohérence politique forte, et selon nous contraire aux aspirations populaires, donc à ce que devrait être une politique de gauche.

La première est l’acceptation du traité européen. L’explication que l’adjonction au texte concocté entre Merkel et Sarkozy de mesures de relance aurait valeur de renégociation de ce traité, le rendant acceptable, ne saurait tromper personne. Tout ce qui a été dit hier reste valide aujourd’hui : c’est un carcan d’austérité et d’autoritarisme dans lequel ce traité prétend enfermer les peuples de l’Union. Ce pourquoi il doit être combattu, pour rejeter ses conséquences immédiates telles qu’elles s’inscrivent dans les budgets sous forme de restrictions financières draconiennes.

La seconde est l’imposition du Pacte dit de compétitivité, dont François Hollande récuse l’idée qu’il marquerait un tournant de sa politique. Qu’est-ce à dire ? S’agit-il de dénoncer comme illusions les espoirs de ceux qui ont compris le « changement maintenant » comme la promesse d’une rupture avec la politique ultralibérale menée avec la brutalité qu’on sait par Sarkozy et la droite ? De convaincre que le gouvernement ne cède pas sous la pression d’un patronat mobilisé, mais obéit à ses propres choix ? Ces interrogations ne renvoient pas à l’essentiel, qui est de porter un jugement sur ce qu’est sa politique. Celle-ci, sauf bouleversement créé par une mobilisation  populaire d’ampleur, va s’opposer aux  aspirations qui ont permis la défaite de Nicolas Sarkozy.

On voit que la logique de la prétendue « compétitivité » s’est d’ores et déjà traduite  dans le projet de loi de programmation pluriannuel 2013-2017, qui se fixe pour objectif une  réduction brutale des déficits publics au détriment des besoins sociaux. Le projet de budget pour 2013 s’inscrit dans cette logique inacceptable. La charge de la dette, avec 48,8 milliards d’euros, est le plus gros poste de dépenses, devançant celui de l’Éducation nationale. Sans même qu’il soit vérifié au préalable à qui et en fonction de quelles justifications de telles sommes devraient être versées ! Symétriquement, il opère dès maintenant une réduction de 12 milliards des dépenses publiques, laquelle va avoir des effets négatifs sur la vie des populations, notamment en termes de services publics et de protection sociale. C’est pourquoi nous sommes contre ce budget austéritaire.

Il convient de revenir sur l’opération menée autour dudit rapport Gallois, qui a conduit à imposer, selon des modalités relevant davantage du plan de communication que du débat démocratique, le prétendu Pacte de compétitivité. A partir du constat que de manière significative les entreprises françaises perdent des parts de marché à l’exportation, le gouvernement décide d’offrir au patronat, sans condition de contreparties en termes d’investissement et de création d’emplois, 20 milliards d’euros sous forme de crédits d’impôt (qui viennent s’ajouter aux 175 milliards de dégrèvements fiscaux déjà existants), qui seront financés par une hausse de la TVA (dont tout le monde sait qu’elle est l’impôt le plus injuste socialement) et par de nouvelles amputations budgétaires (qui au total s’élèveront à 60 milliards d’euros sur 5 ans), lesquelles vont aggraver encore la situation des collectivités locales, des services publics, et en dernier ressort la condition des classes populaires.
Ainsi le gouvernement fait sien le discours ultralibéral seriné par les organismes patronaux, selon lequel la clé de tous les problèmes serait la perte de compétitivité de l’économie française (voire de la France !) et que celle-ci résulterait principalement sinon uniquement du « coût du travail », c’est-à-dire de salaires trop élevés. Alors même que tout démontre que le principal problème se situe dans la faiblesse des investissements et de la recherche. Quant au « modèle allemand » tant vanté,  il est très largement basé sur la baisse du salaire réel, l’exclusion d’un grand nombre de femmes du marché du travail, et l’installation en dix ans de 7 millions de travailleurs pauvres à 400 euros par mois ! En outre agiter de manière obsessionnelle le thème de la « compétitivité » crée un climat de guerre économique qui est source de tensions dans le monde.

La voie ainsi empruntée, qui est de s’attaquer aux salarié-e-s plutôt qu’aux profits,est catastrophique. C’est nier que les faiblesses de l’économie française sont à chercher non pas du côté des salaires trop élevés, mais dans les excès de dividendes servis aux actionnaires, d’un investissement insuffisant dans l’industrie et la formation, d’un soutien trop timoré des banques aux entreprises moyennes et petites... N’est-ce pas frapper ceux qu’il convient de défendre, les salarié-e-s, la jeunesse, les classes populaires, et appuyer les intérêts de ceux qu’il faudrait combattre, un patronat toujours plus soucieux d’accroître ses profits que de soutenir une politique visant à sortir l’économie du marasme dans lequel elle s’enfonce ?

Augmenter les salaires, contrôler et utiliser autrement  les richesses, créer les activités socialement et écologiquement utiles, développer l’emploi et la formation, engager une nouvelle étape de réduction du temps de travail, mettre fin aux contrats précaires et à la pénibilité du travail, obtenir un moratoire de la dette et une annulation des dettes illégitimes, engager la transition écologique, moderniser et développer les services publics... Telle est politique aujourd’hui nécessaire pour écarter la récession et améliorer l’état de la société. Cela est vrai en France, et aussi à l’échelle de l’Union européenne.

A faire le contraire on nourrit les logiques de récession économique, de destruction de l’environnement, de régression sociale et démocratique. Les situations créées dans plusieurs pays d’Europe du sud en sont la démonstration. On sait les risques politiques en résultant : montée des tensions nationalistes et xénophobes, menaces sur la démocratie...

Ce sont donc des défis majeurs auxquels le peuple de gauche doit aujourd’hui faire face. Combattre la logique que cristallisent le Traité européen et le Pacte de compétitivité appelle une politique de réel changement économique, social, écologique et démocratique. Telle est la tâche à laquelle doit se hisser le Front de gauche. Il faut s’opposer à cette politique par de puissantes mobilisations sociales.  Les désaccords manifestes au sein de la majorité gouvernementale, du côté d’Europe Écologie-Les Verts et dans les rangs du Parti socialiste, témoignent que la question posée est bien celle d’une autre politique que celle engagée actuellement par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault ! Celle d’une nouvelle majorité de gauche se formant pour porter une telle politique, d’abord dans les mobilisations sociales, et à tous les niveaux au sein des instances élues. En indiquant la perspective d’un gouvernement apte à la mettre en œuvre au niveau national, et à la porter au plan européen.

C’est ce pourquoi le Front de Gauche doit œuvrer dans les prochains mois. En menant campagne en 2013 pour une alternative à l’austérité, en proposant des mesures concrètes afin d’améliorer le sort du plus grand nombre et de sortir de la crise. En prenant toutes les initiatives de mobilisation et de rassemblement permettant de montrer qu’une alternative existe à gauche, que l’austérité n’est pas une fatalité. Et en poursuivant son processus d’élargissement à tous ceux et toutes celles qui souhaitent en partager la démarche.

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