Yann Cochin, à Florange, lors d’une rencontre du Front des Luttes avec les syndicats, le 14 octobre 2011 |
Yann nous a quitté-e-s ce dimanche 9 septembre, emporté par la maladie.
Avec lui, dans notre petit collectif militant de Convergences et alternative,
nous avons suivi et partagé une même évolution dans nos engagements politiques
récents. Quatre petites années passées ensemble, une fraction d’une vie bien
plus riche et plus pleine, qui ne se résume pas au seul engagement politique.
Ses proches, ses ami-e-s, ses camarades de tant de combats, sur tant de fronts,
témoigneront de cette vie pleine d’amitiés, de rires, d’amours, et de plus de
quarante ans de luttes politiques et syndicales. Elles et ils diront mieux que
tout les multiples facettes de ses engagements où il se donnait tout entier.
Pour nous, c’était d’abord un militant de la cause des salarié-e-s,
intransigeant dans la lutte contre l’exploitation, la précarité, la souffrance
au travail. Il disait avoir trouvé dans le syndicalisme la meilleure école de
solidarité, de savoir et de vie. Ces derniers temps, quand la maladie lui
donnait un peu plus de temps, il n’aimait rien de mieux que de se ressourcer en
allant aider à créer un collectif syndical dans un site de son entreprise EDF
et d’un de ses sous-traitants, ou aller défendre au tribunal un-e militant-e
harcelé-e par les patrons. Beaucoup découvrirent l’absolu dont il était capable
dans ses engagements quand il mena une grève de la faim en 2009 aux cotés d’un
copain syndicaliste licencié par la direction d’EDF. Avec cet acte, il forçait
le respect et lançait un défi aux conservatismes des pratiques convenues : ne
pas se mettre en avant, mais se mettre avec ; concevoir l’engagement dans l’exemplarité
de l’action, et oser mettre en actes la solidarité jusqu’à payer de sa
personne. Il incarnait un syndicalisme combatif, sans compromissions, chevillé
à une forte conviction écologique, un mélange détonnant au sein de l’une des
entreprises piliers de l’industrie des énergies et du nucléaire.
Il était convaincu que ces combats devaient trouver une issue sur le
terrain politique. Il avait fréquenté les rangs de la LCR des années 70, en y
mettant comme toujours toute son énergie, avant de préférer l’action dans le
mouvement social, tant les divisions et les sectarismes sur le terrain
politique faisaient douter de la possibilité qu’une force politique soit à la
hauteur d’un vrai projet d’émancipation. Il franchit à nouveau le pas de l’engagement
dans une force politique en 2008, voyant dans le lancement du NPA l’espoir d’un
changement, d’un rassemblement, d’un dépassement des expériences politiques
passées. C’est là que nous l’avons rencontré pour certains et certaines, retrouvés pour d’autres.
Il fut parmi les premier-e-s à alerter sur le renfermement du projet, et quand cet
espoir mis dans le NPA se fut évanoui, il s’engagea, et nous avec lui, vers le
rassemblement avec le Front de gauche.
Il rappelait récemment : « Ce que j’appelle de mes vœux et que je tente
de construire depuis des années ... c’est le rassemblement de toutes celles et
tous ceux qui souhaitent construire une société plus juste qui place l’Humain
au centre, le rassemblement de celles et ceux qui ne croient pas que la
dictature du marché est inéluctable, que la concurrence entre tou-te-s est le
seul horizon possible. En tant que responsable syndical, je constate tous les
jours les méfaits de ces politiques qu’on nous dit indépassables ... Le progrès
social passera par un combat syndical, mais aussi par des batailles politiques
et l’existence d’une alternative forte, ouverte et démocratique ». C’est
bien la fidélité à cette conviction que le combat syndical et le combat
politique devaient se nourrir mutuellement, et que l’union et le pluralisme
sont essentiels dans la mise en route d’un projet politique de transformation
sociale, qui l’a amené à se tourner vers le Front de gauche pour concrétiser
cette possibilité. Il nous quitte à un moment où le rassemblement politique qu’il
appelait de ses vœux, et de ses actes, semble prendre forme durablement. Le
meilleur hommage à lui rendre sera de ne pas décevoir cet espoir.
Il fut d’abord parmi les initiateur-trice-s du « Front des Luttes », qui dans le
Front de gauche, rassemblait des militant-e-s et responsables syndicaux
issu-e-s de différents horizons syndicaux et politiques. Les premières
expériences ont été positives, les rassemblements avec les syndicalistes en
lutte ont répondu à une attente. La maladie a ensuite empêché Yann de
participer pleinement à ce Front des luttes. Mais le chemin est tracé, le
mouvement est enclenché, pour peu qu’on se souvienne que l’unité dans la
diversité est la clé tant de l’action syndicale que d’un rassemblement
politique à la hauteur du mouvement social.
Dans une de ces premières réunions à l’initiative du Front des Luttes, à
Florange, il y a un an, avec des syndicalistes de la sidérurgie et de
différents secteurs, quand on discutait emploi, licenciement, service public,
Yann trouva des mots au-delà des discours convenus : sortant d’une première
hospitalisation difficile, il rendit hommage à l’abnégation et à la chaleur qu’il
avait rencontrées de la part des personnels de santé, l’émotion des présent-e-s
était difficile à contenir. C’était cette manière qu’il avait de chercher
toujours cette unité de vie entre engagement politique et recherche d’une
fraternité humaine.
Nous avons eu cette chance de partager ces dernières années avec lui, trop
courtes, injustement écourtées. Son départ nous a d’abord désespéré-e-s, fait
frissonner, rempli-e-s d’un vide. Mais ce qui l’emportera ce sera sa chaleur
communicative, et ce qu’il nous a donné nous remplira encore longtemps. Il
était si gentil, si serein, que c’est lui qui essayait, ces derniers temps, de
nous faire comprendre petit à petit que la fin approchait, et nous, on ne
voulait pas l’entendre. Il allait jusqu’à nous consoler à l’avance, en glissant
dans les conversations que le plus dur, ce n’était pas pour celui qui part mais
pour celles et ceux qui restent. Alors OK, Yann, on va essayer de faire avec,
on continue, mais toujours avec toi.
Les ami-e-s du collectif d’animation de Convergences et alternative
Les obsèques de Yann Cochin auront lieu ce jeudi 13 septembre à 15h30 au
cimetière d’Antony (92), 102 rue de Chatenay. Le cimetière est
accessible à pieds (environ 10 minutes) depuis la station « Antony » du
RER B. Un hommage lui sera ensuite rendu, à partir de 17h, dans une
salle située à proximité du cimetière, au 5 rue Maurice Labrousse.
Jamais je n'oublierais ce bouleversant témoignage, intense d'émotions, émouvant et bouleversant de Yann, parlant sans tabou de sa maladie, mais aussi sans plainte. Ses remerciements au personnel médical, ce 14 octobre 2011, valaient à eux seuls tous les discours que quiconque aurait pu prononcer à l'encontre de la casse du système hospitalier, appelée HPST, ou Loi Bachelot. Pas de misérabilisme dans ses paroles. Juste de l'humanité, de la sincèrité, du respect et de l'envie de continuer à se battre. Oui, il ne lachait rien Yann. Jamais. POur lui, le combat continu. Et avec lui, car ce qu'il nous laisse, c'est la force d'avancer. Salut Yann ! Le Front des Luttes, les camarades, avanceront avec le souvenir d'un homme qui disait "on va y arriver mais faut l'temps..." Plein de pensées et de tendresse la ou tu es. L.S.
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