mercredi 15 février 2012

Mourir de son travail

Anthony Smith, inspecteur du travail, responsable syndical au Ministère du travail

Le 18 janvier 2012, Romain Lecoustre, inspecteur du travail, s’est suicidé. A l’émotion et à la tristesse face à la perte d’un collègue et ce 9 mois après le suicide de Luc Beal Raynaldi, (secrétaire national du SNU-TEF), se mêlent écœurement et colère. La colère est forte car Romain avait déjà attenté à ses jours au mois de juillet 2011. La surcharge de travail avec des intérims permanent, les modifications profondes du sens du travail (pression croissante sur les chiffres notamment…), les agissements de sa hiérarchie l’avaient profondément détruit.

La grève du 7 février 2012 : un moment qui fera date
L’intersyndicale du Ministère du travail (CGT, SUD, SNU, UNSA, FO, CFDT) avait appelé les agents à la grève le 7 février 2012, jour de la tenue d’un Comité d’Hygiène et de Sécurité Ministériel (CHSM) qui avait à son ordre du jour les suicides de nos collègues. Le mouvement a été fortement suivi avec des débrayages dans un grand nombre départements. C’est une des plus fortes mobilisations dans le Ministère depuis l’assassinat de nos deux collègues à Saussignac en septembre 2004.
La manifestation parisienne a rassemblée près de 600 agents avec des délégations de province. Le cortège, parti de la rue de Grenelle, s’est rendu devant les locaux du Ministère où se tenait le CHSM. Accueillis par des cordons de CRS, c’est à coup de matraques et de gaz lacrymogènes que le Ministère du dialogue social a répondu à la révolte des agents.

Le lien entre suicide et travail toujours nié par le Ministère 
Le Ministère, via ses représentant-e-s au CHSM, a refusé de reconnaître d’emblée le suicide de notre collègue en accident de service (l’équivalent dans le secteur public de l’accident de travail) et a renvoyé le dossier devant une commission dite de réforme. Inertie bureaucratique et surdité administrative comme seule réponse !
Le malaise est profond. Il est lié à : 
- une politique de destruction méthodique des services et au premier rang des sections d’Inspection du travail ;
- une pression croissante sur les chiffres déconnectés du travail de terrain des agents de contrôle ;
- une individualisation des carrières et à une casse méthodique des collectifs de travail,
- des pratiques de « management à la France Telecom » des hiérarchies qui sont source de souffrance au travail.
Le tout dans un contexte marqué par la RGPP et le non remplacement de 55% des départs à la retraite au sein de Ministère.

Malgré les attaques la mobilisation se poursuit
L’intersyndicale nationale [s’est réunie] de nouveau lundi 13 février pour discuter de la tenue de nouvelles actions. La colère est toujours là et le mouvement n’a aucune raison de s’éteindre. L’Inspection du travail fait aujourd’hui l’objet d’attaques multiples : action de contrôle délégitimée (multiplications d’outrages et d’obstacles aux contrôles de la part d’employeurs voir même cabale patronale à certains endroits – comme dans l’Indre – à l’encontre d’inspecteurs du travail ; classements sans suite en nombre de procès verbaux relevés…) sous-effectif chronique (des moyens de secrétariat en chute libre, seulement 700 inspecteurs et 1400 contrôleurs pour plus 1,2 millions d’entreprises à contrôler et 18 millions de salariés à protéger).
L’Inspection est certes un petit « corps » mais son action en défense d’un Code du travail protecteur des droits des plus faibles continue de gêner un Ministère et un gouvernement qui ont fait de la casse du Code du travail et des lois protectrice des travailleur-euse-s une priorité. Pourtant, le Ministère du travail devrait y regarder à deux fois car en s’attaquant à l’Inspection du travail c’est bien à l’encontre de l’ensemble des travailleur-euse-s que les coups sont portés.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire