Bulletin Convergences et alternative, n° 8, 10 juillet 2011, p. 1-2.
Ce ne sera pas un feu de paille sans conséquences politiques... Les foules populaires rassemblées de places en places signifient que dans la vieille Europe, on n’en peut plus de subir la crise. Elles marquent l’entrée en scène d’une nouvelle génération. Aux manifestations et grèves générales répétées contre les plans d’austérité, est venue se greffer la contestation jeune et multiforme des « Indigné-e-s ».
Le début de l’année 2011 aura vu naître des mouvements inédits. Dans les pays arabes d’abord, où la nouvelle génération s’est lancée à la conquête de la démocratie. Le printemps arabe n’est pas fini, il a renversé plusieurs régimes en Tunisie et en Egypte, s’élargit encore en Syrie ou au Yemen, s’approfondit en Egypte où les manifestant-e-s reprennent le chemin de la place Tahrir. Un printemps qui a inspiré les jeunes Portugais-e-s, chômeur-euse-s ou précarisé-e-s, utilisant à leur tour les réseaux sociaux sur le Web pour organiser des manifestations de centaines de milliers, imité-e-s par les jeunes Espagnols, qui ont amplifié le mouvement et lui ont donné le nom « Indignados ». Le peuple grec, à bout, a repris la méthode à son tour pour amplifier la massivité de ses protestations. [...]
Cette vague en Europe va au-delà des cadres de mobilisation syndicaux et politiques habituels. Elle ne se contentera pas de réponses politiques routinières. Elle révèle de puissantes exigences démocratiques et sociales, exacerbées par la crise économique et les remèdes libéraux de l’Union européenne. Et après Fukushima, même les choix énergétiques sont soumis à l’exigence que les peuples décident, comme lors du référendum italien repoussant l’entêtement nucléaire.
La Grèce résume à elle seule l’impasse du libéralisme. L’« aide » de 60 milliards d’euros, après les 110 milliards de l’an passé, est conditionnée à une austérité accrue, avec baisse des revenus et explosion du chômage, et à la vente du patrimoine public (port du Pirée, aéroports, services d’eau, d’électricité, télécoms) se fera sous le contrôle d’une « agence de la privatisation professionnelle ». Le message envoyé par le FMI et l’Union européenne aux Grec-que-s comme à tous les peuples est simple : vous rembourserez les banques jusqu’au dernier euro. Sur la place Syntagma, les Indigné-e-s crient « ne payons pas une dette qui n’est pas la nôtre, nous ne sommes pas à vendre ».
La Grèce résume à elle seule l’impasse du libéralisme. L’« aide » de 60 milliards d’euros, après les 110 milliards de l’an passé, est conditionnée à une austérité accrue, avec baisse des revenus et explosion du chômage, et à la vente du patrimoine public (port du Pirée, aéroports, services d’eau, d’électricité, télécoms) se fera sous le contrôle d’une « agence de la privatisation professionnelle ». Le message envoyé par le FMI et l’Union européenne aux Grec-que-s comme à tous les peuples est simple : vous rembourserez les banques jusqu’au dernier euro. Sur la place Syntagma, les Indigné-e-s crient « ne payons pas une dette qui n’est pas la nôtre, nous ne sommes pas à vendre ».
La dette publique devient le nouvel argument massue asséné pour faire taire les politiques alternatives. Celle de la Grèce s’élève à 486 milliards de dollars, 165 % de son PIB. Mais dans les pays de la zone euro, elle s’élève déjà à 120 % du PIB, 143 % en Allemagne, 188 % en France, 398 % en Grande-Bretagne ... et 100 % du PIB aux États-Unis, crevant le plafond légal fixée à 14.300 milliards de dollars. La solidité financière des grands pays est mise en cause.
Le néolibéralisme a d’abord poussé à l’endettement privé pour maintenir la consommation, pendant qu’il diminuait de 10 %, sur 30 ans, la part des salaires dans le PIB. De là vient la crise des « subprime », en 2008, qui a été contenue en transférant cette dette privée vers la dette publique des Etats, en baissant les impôts des riches et en empruntant des milliards pour sauver les banques. Cette fuite en avant dans l’accroissement de la dette publique indique qu’on arrive au bout du bout d’un système, d’une crise capitaliste qui n’est plus maîtrisable si on laisse faire la logique financière et la croissance d’inégalités sociales insupportables.
C’est de là que viennent ces révoltes populaires contagieuses, qui effrayent les « marchés » inquiets de la solvabilité des Etats et de leur capacité à maintenir la stabilité. Comme l’avait fait en France le mouvement contre la réforme des retraites, l’ampleur des rassemblements d’« Indigné-e-s » pose la question de la démocratie, de la traduction sur le terrain politique de ses exigences, de la coupure avec les réponses institutionnelles habituelles. Ils mettent en question la légitimité de gouvernements, dirigés par les sociaux libéraux des Parti socialistes, respectant les marchés mais pas leur peuple, votant des plans d’austérité rejetés par la rue.
Ces puissants mouvements chercheront et pousseront à une solution politique, mais il n’est pas joué d’avance que celle-ci se situe sur la gauche. Les derniers scrutins dans ces pays ou les PS gouvernent n’indiquent pas encore un gonflement des résultats de la gauche de gauche, la démobilisation et l’abstention dominent, laissant la droite revenir pour empirer la situation. Pour sortir de ce cercle infernal, il faudra inventer et créer un nouvel espace politique majoritaire à gauche, vraiment à gauche. La génération qui se lève ne contentera ni des politiques à l’eau tiède du passé, ni de formes partidaires immuables.
De la gauche européenne doivent d’abord sortir des réponses politiques à la hauteur. Entre les attaques sans fin des marchés et la montée des protestations populaires, la marge de manoeuvre des Etats endettés est quasi nulle si on respecte les règles du libéralisme.
L’alternative à la droite et à l’Europe du libéralisme, c’est une gauche de combat et des gouvernements de rupture avec le néolibéralisme, qui, au pouvoir dans un ou plusieurs pays, pourraient renverser les logiques actuelles. Leur première tâche sera de rompre avec les exigences de la finance : audit public et moratoire sur la dette, contrôle et taxation des capitaux, reprise en main du système bancaire. Il faudra engager un vrai bras de fer avec la BCE, les grandes entreprises et banques, et leurs représentants politiques, ouvrir la voie aux mouvements sociaux et à la gauche vers de nouvelles conquêtes sociales, par la réduction du temps de travail, la répartition des richesses, l’interdiction des licenciements boursiers, la planification écologique, de nouveaux droits par une assemblée constituante démocratique...
Pour porter ces contenus politiques et répondre à l’exigence de renouvellement des pratiques politiques, la réponse en termes de Front, politique et social, apparaît la seule possible. Le NPA a complètement tourné le dos à cette idée, pourtant aucune force politique de la gauche de transformation ne peut prétendre y répondre seule. Le Front de Gauche a commencé à s’ouvrir, avance vers un programme et des candidatures communes pour 2012, envisage des « assemblées citoyennes ». À Convergences et alternative, nous avons fait le choix d’y participer – mais aussi la FASE et République et Socialisme. Un bon départ a été pris lors du meeting de lancement de la campagne à Paris, dans un quartier populaire, sur une place remplie d’une foule bigarrée et conviviale. Certes, rien n’est encore joué. Il faudra savoir enclencher une vraie dynamique, dépasser la forme d’un cartel d’organisations, pour fédérer énergies et initiatives, en lien avec le mouvement social. Dans les contenus et dans la force du Front de Gauche aux législatives et présidentielles, se joueront aussi bien la mobilisation des électeur-trice-s pour battre Sarkozy et faire reculer le FN, comme se joueront les recompositions pour qu’une gauche de transformation soit dominante devant un social-libéralisme dépassé.
Alors allons-y.
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