Contribution sur le bilan des élections régionales soumise au débat du CPN du NPA des 27 et 28 mars 2010 par les membres du courant « Convergences et alternative » : Anthony S. (CPN NPA Chalon), Danièle O. (CE NPA Aubervilliers), France C. (CPN NPA Paris 19e), Mael G. (CPN NPA Paris 10e), Olivier M. (CPN NPA Clermont-Ferrand/Bobigny), Stéphanie T. (CPN NPA Créteil), Yann C. (CE NPA Clamart), Yannick H. (CPN NPA Paris 20e)
1) Une crise politique est ouverte
Le verdict des Régionales est sans appel : la politique de la droite au pouvoir a pris une claque historique, descendant à 36%, son score le plus bas sous la 5e République. Les discours démagogiques du « travailler plus pour gagner plus » ou sur l’ « insécurité » ne fonctionnent plus. Avec la réalité de la crise économique, ils n’arrivent plus à cacher la politique antisociale du gouvernement tournée vers la préservation des intérêts des banques et des actionnaires, tandis que pour les autres, c’est plus de chômage, moins de revenus, une remise en cause des acquis sociaux, des services publics, des droits démocratiques. Les manipulations aux relents racistes des thèmes de l’insécurité ou l’ « identité nationale » aboutissent à renforcer le FN. C’est cette politique qui provoque un dégoût et une abstention massive, jusqu’à démobiliser même l’électorat de droite ou le renvoyer vers Le Pen. L’ampleur de cette abstention témoigne plus fondamentalement d’une perte de repères et d’une désaffection profonde vis-à-vis de l’action politique, notamment dans les couches populaires.
Une crise politique est désormais ouverte, se conjuguant avec une crise démocratique. Avec la victoire de la gauche, le retour d’un vote FN indépendant et l’échec de sa « politique d’ouverture », le pouvoir perd sa légitimité au moment où il s’apprête à appliquer une politique d’austérité renforcée. La prétendue « pause » annoncée par Sarkozy ne masquera pas longtemps sa volonté de mettre en place, dès maintenant, une austérité renforcée contre les régimes de retraite, la fonction publique, la protection sociale, les salaires et l’emploi. Ce qui se passe en Grèce, en Islande, en Espagne ou au Portugal, présage de ce que la droite a l’intention de faire en France. La « pause » consiste en fait à laisser le Parlement « délégiférer » pendant un an, c’est-à-dire détricoter le code du travail, de la santé, toutes les législations qui ont été arrachées par de multiples combats sociaux et démocratiques et sont encore un minimum de protection. Il faut donc l’empêcher de nuire, avant même 2012. Les échéances de mobilisations sociales (sur les retraites, l’éducation, la régularisation des Sans-papiers, la culture, etc.) sont autant de moment qui doivent participer à amplifier la défaite électorale et la crise du pouvoir, et redonner confiance aux secteurs militant-e-s et à remobiliser de larges pans de la mobilisation pour résister aux attaques et organiser la riposte. [...]
Ces résultats électoraux provoquent un changement de situation politique, plus que ne l’avaient fait les élections intermédiaires depuis 2007 (municipales, européennes). Ils installent dans le paysage la fin possible du règne de la droite, rendent difficile à Sarkozy la possibilité de répéter le cocktail démagogique qui lui avait permis d’être élu, fragilisent le pouvoir en cas de confrontation sociale. Ils remettent aussi à l’ordre du jour le débat pour une alternative vraiment à gauche pour sortir de la crise capitaliste.
2) Les perspectives se ré-ouvrent à gauche
Avec 52 %, et malgré le taux d’abstention très élevé, l’ensemble de la gauche est majoritaire. Le PS retrouve un niveau électoral qu’il avait perdu ces dernières années. Beaucoup d’électeur-trice-s se sont à nouveau servies du vote PS pour sanctionner une droite de plus en plus insupportable, sans pour autant approuver sa politique social-libérale. Ce parti semblait pourtant rapidement perdre du terrain à gauche après les Européennes, mais tant que le principal objectif des électeur-trice-s reste de s’opposer à la droite au pouvoir, le vote PS est encore utilisé, notamment aussi parce qu’une alternative plus crédible n’existe pas. Mais dans le même temps, la remise en cause de son hégémonie politique à gauche reste engagée : son orientation sociale-libérale, ses choix d’alliance, l’anticipation des compromis à accepter (les retraites), ses luttes de pouvoir (primaires) sont autant de contradictions à venir.
Par ailleurs, la gauche se transforme. Elle voit se confirmer une composante écologiste importante, qui souligne que la lutte contre les dangers menaçant notre environnement est devenue une préoccupation majeure. Europe Ecologie apparaît pour partie comme « une autre solution » face au PS, mais devra clarifier ses choix stratégiques, ses alliances et les rapports antagoniques entre programme écologique et logique capitaliste. La gauche de gauche, même moins influente qu’il serait nécessaire, s’installe comme perspective durable. L’écroulement du Modem qui ne passe pas les 5 % traduit le fait que les électeur-trice-s ont rejeté l’illusoire perspective d’une 3e voie, et, du coup, prennent le PS à contre-pied. Celles et ceux qui rêvaient de faire alliance avec lui, y compris dans Europe Ecologie, pour justifier la nécessité d’accepter des choix politiques libéraux, sont contraint-e-s de remiser pour le moment ce choix qui a fait tant de mal aux forces de gauche en Europe. Pour battre la droite, pas besoin du Modem : il faut s’unir à gauche sans préalables. Et pour une sortie de crise en faveur des intérêts des salarié-e-s, il faut une politique de rupture avec le social-libéralisme, que celui-ci soit allié ou non avec le Modem.
3) La nécessité d’un rassemblement unitaire
Les résultats et la nouvelle situation qui s’ouvre soulignent encore la nécessité d’accentuer l’unité sociale et politique de la gauche de transformation sociale, unité cruciale si l’on veut construire des résistances à la droite et fournir une alternative à la politique du Parti socialiste. L’absence d’unité complète entre toutes les composantes de la gauche de transformation a affaibli ses résultats globaux. Mais ils montrent clairement que l’aspiration unitaire est dominante en son sein. Les écarts entre les listes « Ensemble/Front de Gauche » ou les listes d’unité plus partielle, et celles du NPA isolé sont sans appel : 2,5 % pour le NPA en moyenne dans les 13 régions où il se présentait seul, entre 4,8% et 4,9 % pour les listes où le NPA se présentait dans une configuration unitaire partielle (NPA, PG, Fase, Alternatifs, secteurs du PCF …), 7 % pour les listes « Ensemble » dans les 17 régions où elles étaient présente, 8% ou 13 % où le NPA était allié au le Front de Gauche. Les électeur-trice-s ont préféré choisir les listes qui indiquent le début d’un rassemblement, à la posture isolationniste du NPA qui a été désavoué. Cet échec exige du NPA qu’il se tourne vers une autre politique : il ne peut plus prétendre représenter à lui seul l’alternative dont les salarié-e-s et les classes populaires ont besoin, il ne peut plus se dérober aux exigences d’une unité avec d’autres forces à gauche du PS.
Il faut tenir compte du bilan de ces Régionales pour relancer une perspective de rassemblement d’une gauche de transformation sociale. L’aspiration à une unité sur des bases alternatives est toujours fortement présente. Elle a entraîné un vote massif des militant-e-s du PCF pour des listes indépendantes du PS, en rupture avec la tradition habituelle de listes d’union avec le PS au premier tour des élections locales. Elle a aussi, à un autre niveau, bousculé le NPA qui s’est retrouvé sans majorité, divisé entre trois orientations différentes. Elle a levé un espoir, pendant ces mois de longues tractations entre les partis, parmi des milliers de militant-e-s du mouvement social, de voir enfin se réaliser un rassemblement où elles et ils trouveraient leur place et la traduction de leurs combats sur le terrain politique. Bien des obstacles n’ont pas été surmontés et ont freiné une dynamique possible. En premier lieu, le refus du NPA a affaibli le rassemblement et les résultats en ont été diminués pour tou-te-s. L’absence du NPA du rassemblement des listes « Ensemble…. » l’a empêché de peser sur les évolutions des listes unitaires et de contrebalancer les pratiques hégémoniques du PCF. Le bilan montre pourtant que la divergence sur la participation aux exécutifs n’était pas insurmontable, et n’empêchait pas de faire une campagne dynamique pour rassembler au 1er tour, sans abandonner les débats sur les suites. L’exemple du Limousin a été emblématique, au 1er comme au 2nd tour : une large union réalisée sur un programme alternatif, une dynamique et une camaraderie sur le terrain militant, un résultat électoral à 13%, une solidarité maintenue face aux exclusives du PS, et une dynamique encore plus forte au 2nd tour atteignant presque les 20%. Cet exemple montre un chemin qui était possible ailleurs, comme cela s’était engagé également en Languedoc Roussillon mais sans que cela puisse aller jusqu’au bout.
Les listes « Ensemble » avec le Front de Gauche se sont installées dans le paysage politique de la plupart des régions. Elles confirment ce qui avait commencé aux Européennes : un regroupement du type du Front de Gauche répond à une aspiration réelle au sein de l’électorat de gauche. Certes, leur dynamique a été affaiblie par les divisions au sein du PCF, quand des secteurs de celui-ci n’ont pas suivi la ligne d’indépendance vis-à-vis du PS, ou quand des secteurs de l’appareil ont voulu restreindre le rassemblement autour du seul PCF en ne visant que la réélection de leur sortant-e-s. Bien des listes « Ensemble », dans la préparation du 1er ou du 2nd tour lors des fusions, se sont heurtées à des logiques d’appareil. Le caractère « cartellisé » du rassemblement, l’absence de collectifs locaux ouverts ont eu raison de bien des volontés unitaires. L’implication de secteurs du mouvement social y a été faible, tandis qu’elles étaient inexistantes et impossibles dans la campagne solitaire du NPA.
4) Entrer dans le débat de l’alternative de gauche dans la crise capitaliste
La nécessité de faire bloc reste indispensable, et le Front de Gauche et celles et ceux qui se sont allié-e-s dans les listes « Ensemble » ne peuvent être contourné-e-s si l’on veut forger une alternative politique unitaire dans le soutien aux luttes et contester l’orientation social-libérale du PS, qui reste, malgré tout, majoritaire à gauche. A partir du bilan de ces élections, il est désormais possible de lever les obstacles qui ont été rencontrés. Là où l’unité a été complète, du Front de gauche au NPA, là où des vrais rassemblements unitaires ont vu le jour, sans le NPA, des dynamiques se sont créées dans les urnes mais aussi sur le terrain de l’action collective. Elles montrent la voie à suivre : un front politique et social permanent, capable de fournir une alternative politique à gauche et d’aborder ensemble les prochaines échéances sociales et électorales. Capable aussi de construire collectivement une autre représentation politique. Le NPA doit appuyer et participer aux initiatives de type appels ou assises, localement ou au niveau national, pour ouvrir et étendre le rassemblement des listes « Ensemble » encore incomplet. C’est à cette urgence et à cette nécessité unitaire que le NPA doit répondre dès maintenant : un bloc de l’autre gauche, large, ouvert à toutes les composantes, aux représentant-e-s et acteur-trice-s du mouvement social, s’appuyant sur des collectifs unitaires locaux.
Les débats pour forger un bloc alternatif vont désormais se poser différemment. Le défi à relever est celui d’une cohérence permettant d’offrir une solution politique de sortie de la crise économique en faveur des intérêts de la classe salariée et de la majorité de la population. L’éclatement social résultant de la crise et des effets multiples de la mondialisation rend plus difficile une alternative crédible. Celle-ci implique une recomposition attractive à gauche du PS, mais aussi une recomposition des repères de classe, indissociablement liée aux questions écologiques et à la lutte contre toutes les oppressions. Il est donc urgent que le NPA change d’orientation et s’attèle au plus vite à cette tâche.
Il faut bien sûr commencer par l’unité dans l’action, le développement et le soutien au mouvement de grèves, pour défendre les retraites à 60 ans, les services publics, etc. L’unité de toute la gauche politique et syndicale, le recours à toutes les formes de mobilisations, referendum, débats publics de masse comme lors du referendum sur le TCE…, en appuyant sur la crise politique et l’illégitimité des contre-réformes du pouvoir. Pour les forces qui composent la gauche de gauche, il y a ainsi un terrain spontané de convergences dans les mobilisations sociales. Mais elles doivent faire plus : elles doivent avoir la volonté partagée de proposer une solution politique globale, cohérente, qu’elles chercheront à rendre majoritaire à gauche, dans les mobilisations, et qu’elles devront défendre en commun lors des prochaines échéances électorale. L’enjeu est de construire une force politique rassemblée capable de se nourrir des mobilisations sociales, de porter cet espoir d’issue politique au sein du mouvement populaire, de bousculer les rapports de force à gauche en faveur d’une politique de transformation.
C’est une des leçons des régionales : il faut plus d’unité, et une unité enracinée dans les localités, les entreprises et les quartiers, appuyée sur des comités unitaires de base. Le NPA doit décider d’apporter sa contribution et de prendre sa place dans un front qui s’élargisse et se transforme, tire les leçons des divisions antérieures, redonne un espoir à gauche. Les cantonales en 2011, suivie des législatives de 2012, pourront être l’occasion de présenter des candidatures unitaires qui défendent ce projet de mesures pour changer la vie de tout ceux qui subissent la crise. Et en abordant la discussion par le biais du programme législatif à défendre, on pourra essayer de surmonter le piège tendu par la 5e République à chaque élection présidentielle, qui dépolitise le débat et personnalise la politique, en cherchant une candidature rassemblant les différentes forces autour d’un même projet.
Le parti que nous construisons actuellement est-il un outil dans cette perspective ? En a-t-il la volonté ? S’il veut refonder une perspective de rassemblement d’une force nouvelle, le NPA ne peut éviter d’entrer en discussion avec d’autres partenaires potentiels, en apprenant aussi des expériences positives qui se déroulent en Europe à la gauche de la gauche. Aucune ne s’est faite autour d’un seul courant. L’échec de notre politique électorale et les reculs dans notre construction nous obligent à reprendre ces discussions lors de notre prochain congrès.
1) Une crise politique est ouverte
Le verdict des Régionales est sans appel : la politique de la droite au pouvoir a pris une claque historique, descendant à 36%, son score le plus bas sous la 5e République. Les discours démagogiques du « travailler plus pour gagner plus » ou sur l’ « insécurité » ne fonctionnent plus. Avec la réalité de la crise économique, ils n’arrivent plus à cacher la politique antisociale du gouvernement tournée vers la préservation des intérêts des banques et des actionnaires, tandis que pour les autres, c’est plus de chômage, moins de revenus, une remise en cause des acquis sociaux, des services publics, des droits démocratiques. Les manipulations aux relents racistes des thèmes de l’insécurité ou l’ « identité nationale » aboutissent à renforcer le FN. C’est cette politique qui provoque un dégoût et une abstention massive, jusqu’à démobiliser même l’électorat de droite ou le renvoyer vers Le Pen. L’ampleur de cette abstention témoigne plus fondamentalement d’une perte de repères et d’une désaffection profonde vis-à-vis de l’action politique, notamment dans les couches populaires.
Une crise politique est désormais ouverte, se conjuguant avec une crise démocratique. Avec la victoire de la gauche, le retour d’un vote FN indépendant et l’échec de sa « politique d’ouverture », le pouvoir perd sa légitimité au moment où il s’apprête à appliquer une politique d’austérité renforcée. La prétendue « pause » annoncée par Sarkozy ne masquera pas longtemps sa volonté de mettre en place, dès maintenant, une austérité renforcée contre les régimes de retraite, la fonction publique, la protection sociale, les salaires et l’emploi. Ce qui se passe en Grèce, en Islande, en Espagne ou au Portugal, présage de ce que la droite a l’intention de faire en France. La « pause » consiste en fait à laisser le Parlement « délégiférer » pendant un an, c’est-à-dire détricoter le code du travail, de la santé, toutes les législations qui ont été arrachées par de multiples combats sociaux et démocratiques et sont encore un minimum de protection. Il faut donc l’empêcher de nuire, avant même 2012. Les échéances de mobilisations sociales (sur les retraites, l’éducation, la régularisation des Sans-papiers, la culture, etc.) sont autant de moment qui doivent participer à amplifier la défaite électorale et la crise du pouvoir, et redonner confiance aux secteurs militant-e-s et à remobiliser de larges pans de la mobilisation pour résister aux attaques et organiser la riposte. [...]
Ces résultats électoraux provoquent un changement de situation politique, plus que ne l’avaient fait les élections intermédiaires depuis 2007 (municipales, européennes). Ils installent dans le paysage la fin possible du règne de la droite, rendent difficile à Sarkozy la possibilité de répéter le cocktail démagogique qui lui avait permis d’être élu, fragilisent le pouvoir en cas de confrontation sociale. Ils remettent aussi à l’ordre du jour le débat pour une alternative vraiment à gauche pour sortir de la crise capitaliste.
2) Les perspectives se ré-ouvrent à gauche
Avec 52 %, et malgré le taux d’abstention très élevé, l’ensemble de la gauche est majoritaire. Le PS retrouve un niveau électoral qu’il avait perdu ces dernières années. Beaucoup d’électeur-trice-s se sont à nouveau servies du vote PS pour sanctionner une droite de plus en plus insupportable, sans pour autant approuver sa politique social-libérale. Ce parti semblait pourtant rapidement perdre du terrain à gauche après les Européennes, mais tant que le principal objectif des électeur-trice-s reste de s’opposer à la droite au pouvoir, le vote PS est encore utilisé, notamment aussi parce qu’une alternative plus crédible n’existe pas. Mais dans le même temps, la remise en cause de son hégémonie politique à gauche reste engagée : son orientation sociale-libérale, ses choix d’alliance, l’anticipation des compromis à accepter (les retraites), ses luttes de pouvoir (primaires) sont autant de contradictions à venir.
Par ailleurs, la gauche se transforme. Elle voit se confirmer une composante écologiste importante, qui souligne que la lutte contre les dangers menaçant notre environnement est devenue une préoccupation majeure. Europe Ecologie apparaît pour partie comme « une autre solution » face au PS, mais devra clarifier ses choix stratégiques, ses alliances et les rapports antagoniques entre programme écologique et logique capitaliste. La gauche de gauche, même moins influente qu’il serait nécessaire, s’installe comme perspective durable. L’écroulement du Modem qui ne passe pas les 5 % traduit le fait que les électeur-trice-s ont rejeté l’illusoire perspective d’une 3e voie, et, du coup, prennent le PS à contre-pied. Celles et ceux qui rêvaient de faire alliance avec lui, y compris dans Europe Ecologie, pour justifier la nécessité d’accepter des choix politiques libéraux, sont contraint-e-s de remiser pour le moment ce choix qui a fait tant de mal aux forces de gauche en Europe. Pour battre la droite, pas besoin du Modem : il faut s’unir à gauche sans préalables. Et pour une sortie de crise en faveur des intérêts des salarié-e-s, il faut une politique de rupture avec le social-libéralisme, que celui-ci soit allié ou non avec le Modem.
3) La nécessité d’un rassemblement unitaire
Les résultats et la nouvelle situation qui s’ouvre soulignent encore la nécessité d’accentuer l’unité sociale et politique de la gauche de transformation sociale, unité cruciale si l’on veut construire des résistances à la droite et fournir une alternative à la politique du Parti socialiste. L’absence d’unité complète entre toutes les composantes de la gauche de transformation a affaibli ses résultats globaux. Mais ils montrent clairement que l’aspiration unitaire est dominante en son sein. Les écarts entre les listes « Ensemble/Front de Gauche » ou les listes d’unité plus partielle, et celles du NPA isolé sont sans appel : 2,5 % pour le NPA en moyenne dans les 13 régions où il se présentait seul, entre 4,8% et 4,9 % pour les listes où le NPA se présentait dans une configuration unitaire partielle (NPA, PG, Fase, Alternatifs, secteurs du PCF …), 7 % pour les listes « Ensemble » dans les 17 régions où elles étaient présente, 8% ou 13 % où le NPA était allié au le Front de Gauche. Les électeur-trice-s ont préféré choisir les listes qui indiquent le début d’un rassemblement, à la posture isolationniste du NPA qui a été désavoué. Cet échec exige du NPA qu’il se tourne vers une autre politique : il ne peut plus prétendre représenter à lui seul l’alternative dont les salarié-e-s et les classes populaires ont besoin, il ne peut plus se dérober aux exigences d’une unité avec d’autres forces à gauche du PS.
Il faut tenir compte du bilan de ces Régionales pour relancer une perspective de rassemblement d’une gauche de transformation sociale. L’aspiration à une unité sur des bases alternatives est toujours fortement présente. Elle a entraîné un vote massif des militant-e-s du PCF pour des listes indépendantes du PS, en rupture avec la tradition habituelle de listes d’union avec le PS au premier tour des élections locales. Elle a aussi, à un autre niveau, bousculé le NPA qui s’est retrouvé sans majorité, divisé entre trois orientations différentes. Elle a levé un espoir, pendant ces mois de longues tractations entre les partis, parmi des milliers de militant-e-s du mouvement social, de voir enfin se réaliser un rassemblement où elles et ils trouveraient leur place et la traduction de leurs combats sur le terrain politique. Bien des obstacles n’ont pas été surmontés et ont freiné une dynamique possible. En premier lieu, le refus du NPA a affaibli le rassemblement et les résultats en ont été diminués pour tou-te-s. L’absence du NPA du rassemblement des listes « Ensemble…. » l’a empêché de peser sur les évolutions des listes unitaires et de contrebalancer les pratiques hégémoniques du PCF. Le bilan montre pourtant que la divergence sur la participation aux exécutifs n’était pas insurmontable, et n’empêchait pas de faire une campagne dynamique pour rassembler au 1er tour, sans abandonner les débats sur les suites. L’exemple du Limousin a été emblématique, au 1er comme au 2nd tour : une large union réalisée sur un programme alternatif, une dynamique et une camaraderie sur le terrain militant, un résultat électoral à 13%, une solidarité maintenue face aux exclusives du PS, et une dynamique encore plus forte au 2nd tour atteignant presque les 20%. Cet exemple montre un chemin qui était possible ailleurs, comme cela s’était engagé également en Languedoc Roussillon mais sans que cela puisse aller jusqu’au bout.
Les listes « Ensemble » avec le Front de Gauche se sont installées dans le paysage politique de la plupart des régions. Elles confirment ce qui avait commencé aux Européennes : un regroupement du type du Front de Gauche répond à une aspiration réelle au sein de l’électorat de gauche. Certes, leur dynamique a été affaiblie par les divisions au sein du PCF, quand des secteurs de celui-ci n’ont pas suivi la ligne d’indépendance vis-à-vis du PS, ou quand des secteurs de l’appareil ont voulu restreindre le rassemblement autour du seul PCF en ne visant que la réélection de leur sortant-e-s. Bien des listes « Ensemble », dans la préparation du 1er ou du 2nd tour lors des fusions, se sont heurtées à des logiques d’appareil. Le caractère « cartellisé » du rassemblement, l’absence de collectifs locaux ouverts ont eu raison de bien des volontés unitaires. L’implication de secteurs du mouvement social y a été faible, tandis qu’elles étaient inexistantes et impossibles dans la campagne solitaire du NPA.
4) Entrer dans le débat de l’alternative de gauche dans la crise capitaliste
La nécessité de faire bloc reste indispensable, et le Front de Gauche et celles et ceux qui se sont allié-e-s dans les listes « Ensemble » ne peuvent être contourné-e-s si l’on veut forger une alternative politique unitaire dans le soutien aux luttes et contester l’orientation social-libérale du PS, qui reste, malgré tout, majoritaire à gauche. A partir du bilan de ces élections, il est désormais possible de lever les obstacles qui ont été rencontrés. Là où l’unité a été complète, du Front de gauche au NPA, là où des vrais rassemblements unitaires ont vu le jour, sans le NPA, des dynamiques se sont créées dans les urnes mais aussi sur le terrain de l’action collective. Elles montrent la voie à suivre : un front politique et social permanent, capable de fournir une alternative politique à gauche et d’aborder ensemble les prochaines échéances sociales et électorales. Capable aussi de construire collectivement une autre représentation politique. Le NPA doit appuyer et participer aux initiatives de type appels ou assises, localement ou au niveau national, pour ouvrir et étendre le rassemblement des listes « Ensemble » encore incomplet. C’est à cette urgence et à cette nécessité unitaire que le NPA doit répondre dès maintenant : un bloc de l’autre gauche, large, ouvert à toutes les composantes, aux représentant-e-s et acteur-trice-s du mouvement social, s’appuyant sur des collectifs unitaires locaux.
Les débats pour forger un bloc alternatif vont désormais se poser différemment. Le défi à relever est celui d’une cohérence permettant d’offrir une solution politique de sortie de la crise économique en faveur des intérêts de la classe salariée et de la majorité de la population. L’éclatement social résultant de la crise et des effets multiples de la mondialisation rend plus difficile une alternative crédible. Celle-ci implique une recomposition attractive à gauche du PS, mais aussi une recomposition des repères de classe, indissociablement liée aux questions écologiques et à la lutte contre toutes les oppressions. Il est donc urgent que le NPA change d’orientation et s’attèle au plus vite à cette tâche.
Il faut bien sûr commencer par l’unité dans l’action, le développement et le soutien au mouvement de grèves, pour défendre les retraites à 60 ans, les services publics, etc. L’unité de toute la gauche politique et syndicale, le recours à toutes les formes de mobilisations, referendum, débats publics de masse comme lors du referendum sur le TCE…, en appuyant sur la crise politique et l’illégitimité des contre-réformes du pouvoir. Pour les forces qui composent la gauche de gauche, il y a ainsi un terrain spontané de convergences dans les mobilisations sociales. Mais elles doivent faire plus : elles doivent avoir la volonté partagée de proposer une solution politique globale, cohérente, qu’elles chercheront à rendre majoritaire à gauche, dans les mobilisations, et qu’elles devront défendre en commun lors des prochaines échéances électorale. L’enjeu est de construire une force politique rassemblée capable de se nourrir des mobilisations sociales, de porter cet espoir d’issue politique au sein du mouvement populaire, de bousculer les rapports de force à gauche en faveur d’une politique de transformation.
C’est une des leçons des régionales : il faut plus d’unité, et une unité enracinée dans les localités, les entreprises et les quartiers, appuyée sur des comités unitaires de base. Le NPA doit décider d’apporter sa contribution et de prendre sa place dans un front qui s’élargisse et se transforme, tire les leçons des divisions antérieures, redonne un espoir à gauche. Les cantonales en 2011, suivie des législatives de 2012, pourront être l’occasion de présenter des candidatures unitaires qui défendent ce projet de mesures pour changer la vie de tout ceux qui subissent la crise. Et en abordant la discussion par le biais du programme législatif à défendre, on pourra essayer de surmonter le piège tendu par la 5e République à chaque élection présidentielle, qui dépolitise le débat et personnalise la politique, en cherchant une candidature rassemblant les différentes forces autour d’un même projet.
Le parti que nous construisons actuellement est-il un outil dans cette perspective ? En a-t-il la volonté ? S’il veut refonder une perspective de rassemblement d’une force nouvelle, le NPA ne peut éviter d’entrer en discussion avec d’autres partenaires potentiels, en apprenant aussi des expériences positives qui se déroulent en Europe à la gauche de la gauche. Aucune ne s’est faite autour d’un seul courant. L’échec de notre politique électorale et les reculs dans notre construction nous obligent à reprendre ces discussions lors de notre prochain congrès.